Visions de Jérôme B….
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Jamais je ne me serais tant égaré
Dévoyé dans une concavité halitueuse
Mon ardeur s’écoulant comme à travers les barreaux d'une herse
(La barrière mentale du seuil de mon entendement)
Le peuple garroté suffoque sur les trottoirs
Il est proscrit aux chalands de circuler
C'est le bloc qui fait son malin
Il fait obstacle
Il se défend de l’ extase
Il se broie les os sur les chevaux de frise
Et la grève septentrionale se souvient de son sang
Sang vieux sang d’un certain été
Il ne faut plus le fer le feu la mort les cris
Le feu encore
Ne plus oublier
Ne pas oublier l’été
Ne rien oublier
Ni la voix des irresponsables au galimatias assommant sur le parvis
Ni les pleurs des veuves qui grattent la terre
Qui se griffent les cuisses
Gémissent
Et s’arrachent les cheveux à pleines mains
Jamais je ne me serais autant fourvoyé
Perdu dans un abîme moite
Tourbillon qui se dénature
Pendant que les guerriers se sodomisent dans les tranchées
Dans les bunkers à la dérobée
Les casemates retentissent du bruit des vociférations
Actes à la hussarde
Ne rien oublier
Attendre le soir de sa vie
& voir son ombre s’éloigner par la croisée du suprême niveau
Durant les veillées attisées
Tout doit repartir
Ne rien oublier
Le tord-boyaux dans la case pour violer les jeunes filles Hutus le jour
L’alcool dans la hutte pour violer les jeunes filles Tutsis la nuit
(Avec le son des coupe-coupe)
Et la nausée de leurs souffrances dans le poitrail
Ne rien oublier
Les nations qui ne tiennent pas leur promesses
La confidence qui peut être l’enfer
La puanteur des excréments dans l'écuelle
Les moustiques qui fuient les panses gonflées de sang volé
C'est rejoindre le purin et amoindrir
Eternellement
En profondeur
Avilir un pays qui ruissèle de moiteur
Qui suinte de générosité
Mais qui souffre
Des égorgements des frères de Tibhirine
Un tableau effacé
Tôt négligemment va-t’en dormance
Tout doit émouvoir
Le café du matin partagé le pain partagé les soins partagés
Les dessous d'un amour oublié
Le luisant d’un acier qui transforme une figure amie
En un étranglement
Une chair qui se raidit sur l'herbe grillée en fermant les yeux sur ce qui se trame
Une voix : "peut-être que tu vas mourir"
Tout est continuellement risqué toujours
Dans le noir avec des yeux sombres
Ne rien oublier encor
La peur dans les trains
Des mains qui agrippent & se tendent
L'odeur des corps indifférente à mon chagrin
La cloche de l'église de Treblinka qui sépare ta nuit de ma journée
Des fils de fer barbelés tels des couronnes d’épines
L’image de la terreur allemande
La déraison de tout un peuple
Tout doit rester
Semblable à l’ onde qui te surgit dans le mufle
Et que je ne sais pas stopper
Tout doit persister
Ta rage qui écume dans ma chair
Tes défenseurs qui ne savent plus que te tourmenter dans le froid
La nuit qui décuple le désir
Des frères assassins de leurs frères
Jusque dans le déni de leurs meurtres
& ta soif
Oh! Khmer rouge
De férocité sur moi
Tu as pris ma vie
Tu m’as privé d’histoire
Je suis le guerrier fiévreux qui fait retraite dans la fumée crasseuse
Je suis le vestige du sacrifice cambodgien
Au-dedans il y'a ta destruction
L'hiver va ravauder ma dénégation
S21 la prison de Tuol Sleng
Les morceaux de Chairs si pesants perdus entre des murs
Où le maître enseignait une culture différente
La réminiscence d'une main qui ne caresse pas
Qui ne caresse plus
Qui n’a jamais caressé
Mes sens restent ignorants de prier
Rend-moi mes sens Inconnu.
On voit à travers moi
Je suis l’ indigence précaire que tu gèles avec une haleine indifférente
Elle ne souffle pas entre les branches
Le cosmos me cuirasse
L’espace se craquelle
Je vomis mon faciès
Je patauge dans l'onde cirée
Dans la brûlure de tes serments
Je me remémore toutefois dans mes résurgences
Srebrenica Srebrenica
Une bouche des prunelles noires la face était pâle usée elle ne pouvait parler
C'était un reproche
Un baragouin de mâton
Je pataugeais
J'avais une conviction où était-elle ?
Qui me l’avait volée ?
Awá Guarani Yanomami
Avant que l’astre brésilien ne carbonise mon engeance
Mon engeance qui ourdit mon crâne
Le conquistador pend les Cholultèques par les pieds à Cholula
La tête en bas à Chitor meurent les Tlaxcaltèques
Tout doit persister mon cri dans la toundra
La fierté du peuple Inuit des Incas des Olmèques
Je porte mon allégorie comme un casque
Le suprême de ce qui est en haut du sol
Il oublie il ravit il s'éloigne
Il rampe avec le courant avec la risée
Ses jambes bondissent dans l’abîme
Je le scrute
Peuples massacrés
Je suis aussi le vestige du peuple arménien
Le sang me monte au cœur
Ce monde est irréel
Tout doit rechuter
Le suprême qui se remplit
Qui se condense
Le cosmos me caparaçonne
Son univers sa marge
Et sa grandeur son accroissement
Si vaste si vaste
Je le sens
Chevillé à mon corps
Au-dessus de mes cuisses
Je le sens
Enfin
Je divague
Holodomor
Je vois des bras Tchétchènes arrachés du corps
Je vois des couteaux dans les bas-ventres
Et des hommes évidés qui gesticulent encore
Perdant leurs boyaux ivoirins
Vite va t'en Guerra sucia
Argentine Argentine
Tu égares ta raison
Tes disparus forcés tes bébés volés
Comme j'ai perdu ma chimère
Je me remémore un crépuscule sans un cri
Où me revenait
L’étrangeté d’une peinture de Hieronymus Van Haken
Je devais reconquérir ma liberté
Celle des montagnes qui se désagrègent en scories
Celle des forêts où le soleil fatigue à parvenir
Le bal des fous
Des fous de génocides de massacres d’exterminations
Des jours et des nuits de Saint Barthélémy
Dans des capitales des ports et des gares
Dans des camps et des stades
N’omettons pas ces jours où les escarbilles
Nous faisaient cligner des yeux
Juste quelques cendres
De juifs qui montaient vers les nuages
Dachau Buchenwald Sachsenhausen Lichtenburg
Flossenbürg Mathausen Dantzig Stutthof
Auschwitz
Ne rien oublier encor & encor
Du massacre des moines de Tibhirine
De la messe sanglante d’Oradour sur Glane
Des atomisations d’Hiroshima et de Nagasaki
De l’anéantissement de Hama par les baasistes
De l’exécution des Kurdes sur l’ordre de Saddam Hussein
Des persécutions iraniennes sur l’ordre de Khomeini
De la répression de Tian’anmen par l’armée chinoise
Des égorgements de Višegrad et des falaises de Korićani
Mais aussi ceux pêle-mêle du Congo du Darfour de Tikrit de Badoush de de de
Ils sont tombés .
Au printemps en été en automne en hiver
Cette mémoire notre souvenir
Brisez ce qui nous enchaîne
Notre pacte
L’horreur l’horreur l’horreur
De ces contorsions
Christian ALLE
23 avril 2015
Sur la terre