lundi 4 mai 2015

L'Homme abandonné




1, 2, 3,
Tombent mes bras,
Sens-tu au fond de toi ces bijoux qui te creusent sans ne se méfier de rien…
Pose le pied sur les grands bateaux qui caressent les poissons,
Il faut fuir,
Il est temps de fuir,
Tu es un homme abandonné.
Tu respires le corail comme le parfum d’une femme morte,
D’une femme aimée et la couleur de tes yeux ne sera plus jamais la même.
Sais tu qu’il y a des contrées,
Ce sont les hommes qui donnent le sein à l’enfant,
Qu’il y a des contrées,
Où c’est l’enfant qui dompte la mer.
C’est l’histoire d’un homme,
D’une mer,
D’un enfant.
Tu dois partir.
Car tu es l’homme abandonné.
Aller fermer les yeux sous le sable,
Marcher,
Marcher jusqu’en haut de la falaise,
Et dans un rire infini,
Jeter ton pauvre corps abandonné.
Homme abandonné aux nerfs tressés.
Il est l’heure,
De la grande mue humaine.
Ote-toi.
Lorsque tu vomis par le nez,
Et que tu saignes des oreilles,
N’oublie pas,
Que c’est la destinée,
De l’homme abandonné,
Qui se couche sur un lit d’épines.
On dit « Dieu n’aime pas les péchés mais il aime les pêcheurs »,
Toi, tu vas apprendre le parfum des fleurs et l’endroit exact de ton appendice.
Le zèbre sait prononcer ta tristesse,
Il te reste encore quelques rêves aux lèvres éteintes,
Quel est ce décor statique ?
Il est temps de partir.
De fuir,
On dit que lors de l’adultère,
Tu n’as pas eu des yeux dans le dos,
On a oublié qu’ils étaient aussi absents sur ton visage,
Homme abandonné.
Il est temps de poser les mains dans les étoffes mystérieuses,
Il est temps de plonger tes mains dans le sexe sauvage de la vie.
Les grands bateaux t’attendent,
Et les voiles blanches plongent leurs mains dans ta gorge,
Sortant des cris oubliés,
Des cris refoulés,
Des cris d’infortune,
Qui claquent et ricochent comme une pierre plate sur l’eau.
Où étais tu ?
Corps effacé des photographies,
Où étais tu quand la mer a perdu les eaux ?
Où étais tu,
Quand les verbes essentiels pleuvaient sur ta vie ?
Où était tu,
Petit homme abandonné ?
Il est l’heure.
Où étais tu ?
Les éclipses n’en ont pas fini d’éplucher les yeux des voyants,
Vois-tu tout cet inutile qui leur coule le long du cou ?
Le vois-tu,
L’inutile ?
L’as-tu léché ?
Fuis et cours à travers les organes qui jonchent les routes,
Leur substance est si tendre,
Tu es dans la jungle civile : la terre des hommes.
Là bas,
Là où ils t’attendent,
Ils font craquer entre leurs canines les pépins de la guerre,
Et si l’on écoute bien,
On entend le chant des sirènes sortir de la bouche des hommes.
Et sur ce chant magnétique,
Glissent des oiseaux que l’on n’a encore jamais vus ici.
Le bateau t’attend,
Les Oubliés sont prêts a embarquer.
Prêts à voir les baleines triangulaires qui s’échouent sur les plages douces.
Ici la lumière est agressive et heurte ton corps d’homme oublié,
Là bas elle se baigne dans le creux de ton bassin comme une eau jeune.
L’oubli est éternel,
Mais tous les bateaux se fracassent un jour contre une vague,
Contre la langue de la nature.
Prend pour bagage la main de ta femme pour te caresser,
Mais n’en prend qu’une,
Les deux t’étrangleraient la nuit.
On entend de là les cheveux qui hurlent après le vent au manteau fin de papillon.
Le pas n’est pas grand,
Du bitume aux planches de bois,
De la terre à la mer,
De l’oubli à la mort.
Il faudra peu de temps,
Et il est déjà l’heure.
La mer réclame toujours la peau des Oubliés pour la farder de son sel.
Oublie les petits corps de tes enfants,
Leurs petits gestes ronds et leur voix chaude,
Oublie car il n’est presque plus l’heure.
Et il n’y aura bientôt plus assez de temps.
C’est l’histoire d’un homme,
D’une mer,
Il n’y a plus d’enfant.
C’est l’histoire de l’Oubli et du départ.




Pauline 

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