mercredi 6 mai 2015

Visions de Jérome B.



Visions de Jérôme B….


*


Jamais je ne me serais tant égaré
Dévoyé dans une concavité halitueuse
 Mon  ardeur s’écoulant comme à travers les barreaux d'une herse
 (La barrière mentale du seuil de mon entendement)

 Le peuple garroté suffoque sur les trottoirs
 Il est proscrit aux chalands de circuler
C'est le bloc qui fait son malin
 Il fait obstacle
 Il  se défend de l’ extase
 Il se broie  les os sur les chevaux de frise
 Et la grève septentrionale se souvient de son sang
 Sang vieux sang d’un certain été
Il ne faut plus le fer le feu la mort les cris
 Le feu encore
Ne plus oublier
Ne pas oublier l’été
Ne rien oublier
Ni la voix des irresponsables au galimatias assommant sur le parvis
 Ni les pleurs des veuves qui grattent la terre
Qui se griffent les cuisses
 Gémissent
Et s’arrachent les cheveux à pleines mains
Jamais je ne me serais autant fourvoyé
Perdu dans un abîme moite
Tourbillon qui se dénature
Pendant que les guerriers se sodomisent dans les tranchées
Dans les bunkers à la dérobée
Les casemates retentissent du bruit des vociférations
 Actes à la hussarde
Ne rien oublier
Attendre le soir de sa vie
& voir son ombre s’éloigner par la croisée du suprême niveau
Durant les veillées attisées
 Tout doit repartir
Ne rien oublier
Le tord-boyaux dans la case pour violer les jeunes filles Hutus le jour
L’alcool dans la hutte pour violer les jeunes filles Tutsis la nuit
 (Avec le son des coupe-coupe)
Et la nausée de leurs souffrances dans le poitrail
Ne rien oublier
 Les nations qui ne tiennent pas leur promesses
La confidence qui peut être l’enfer
 La puanteur des excréments dans l'écuelle
Les moustiques qui fuient les panses gonflées de sang volé
 C'est rejoindre le purin et amoindrir
Eternellement
En profondeur
 Avilir un pays qui ruissèle de moiteur
Qui suinte de générosité
Mais qui souffre
Des égorgements des frères de Tibhirine
Un  tableau effacé
Tôt négligemment va-t’en dormance
Tout doit émouvoir
Le café du matin partagé le pain partagé les soins partagés
Les dessous d'un amour oublié
 Le luisant d’un acier qui transforme une figure amie
En un étranglement
Une chair qui se raidit sur l'herbe grillée en fermant les yeux sur ce qui se trame
 Une voix : "peut-être que tu vas mourir" 
Tout est continuellement risqué toujours
Dans le noir avec des yeux sombres
 Ne rien oublier encor
La peur dans les trains
Des mains qui agrippent & se tendent
 L'odeur des corps indifférente à mon chagrin
 La cloche de l'église de Treblinka qui sépare ta nuit de ma journée
Des fils de fer barbelés tels des couronnes d’épines
L’image de la terreur allemande
La déraison de tout un peuple
 Tout doit rester
Semblable à l’ onde qui te surgit dans le mufle
Et que je ne sais pas stopper
 Tout doit persister
Ta rage qui écume dans ma chair
Tes défenseurs qui ne savent plus que te tourmenter dans le froid
La nuit qui décuple le désir
Des frères assassins de leurs frères
Jusque dans le déni de leurs meurtres
& ta soif
Oh! Khmer rouge
De  férocité sur moi
 Tu as pris ma vie
Tu m’as privé d’histoire
Je suis le guerrier fiévreux qui fait retraite dans la fumée crasseuse
 Je suis le vestige du sacrifice cambodgien
 Au-dedans il y'a ta destruction
 L'hiver va ravauder ma dénégation
S21 la prison de Tuol Sleng
Les morceaux de Chairs si pesants perdus entre des murs
Où le maître enseignait une culture différente
 La réminiscence d'une main qui ne caresse pas
 Qui ne caresse plus
Qui n’a jamais caressé
 Mes sens restent ignorants de prier
 Rend-moi mes sens Inconnu.
On voit à travers moi
 Je suis l’ indigence précaire que tu gèles avec une haleine indifférente
Elle ne souffle pas entre les branches
 Le cosmos me cuirasse
 L’espace se craquelle
Je vomis mon faciès
 Je patauge dans l'onde cirée
 Dans la brûlure de tes serments
 Je me remémore toutefois dans mes résurgences
Srebrenica  Srebrenica
 Une bouche des prunelles noires la face était pâle usée elle ne pouvait parler
 C'était un reproche
Un baragouin de mâton
 Je pataugeais
 J'avais une conviction où était-elle ?
Qui me l’avait volée ?
Awá Guarani Yanomami
Avant que l’astre brésilien ne carbonise mon engeance
Mon engeance qui ourdit mon crâne
Le conquistador pend les Cholultèques par les pieds à Cholula
La tête en bas à Chitor meurent les Tlaxcaltèques
Tout doit persister mon cri dans la toundra
La fierté du peuple Inuit des Incas des Olmèques
 Je porte mon allégorie comme un casque
Le suprême de ce qui est en haut du sol
 Il oublie il ravit il s'éloigne
Il rampe avec le courant avec la risée
Ses jambes bondissent dans l’abîme
 Je le scrute
Peuples massacrés
Je suis aussi le vestige du peuple arménien
Le sang me monte au cœur
Ce monde est irréel
 Tout doit rechuter
Le suprême qui se remplit
Qui se condense
Le cosmos me caparaçonne
 Son univers sa marge
 Et sa grandeur son accroissement
 Si vaste si vaste
 Je le sens
Chevillé à mon corps
 Au-dessus de mes cuisses
Je le sens
Enfin
 Je divague
Holodomor
 Je vois des bras Tchétchènes arrachés du corps
 Je vois des couteaux dans les bas-ventres
Et des hommes évidés qui gesticulent encore
 Perdant leurs boyaux ivoirins
 Vite va t'en Guerra sucia
Argentine Argentine
Tu égares ta raison
Tes disparus forcés tes bébés volés
Comme j'ai perdu ma chimère
 Je me remémore un crépuscule sans un cri
Où me revenait
L’étrangeté d’une peinture de Hieronymus Van Haken
 Je devais reconquérir ma liberté
Celle des montagnes qui se désagrègent en scories
Celle des forêts où le soleil fatigue à parvenir
 Le bal des fous
Des  fous de génocides de massacres d’exterminations
Des jours et des nuits de Saint Barthélémy
Dans des capitales des ports et des gares
 Dans des camps et des stades
N’omettons pas ces jours où les escarbilles
Nous faisaient cligner des yeux
Juste quelques cendres
De juifs qui montaient vers les nuages
Dachau Buchenwald Sachsenhausen Lichtenburg
Flossenbürg Mathausen Dantzig Stutthof
Auschwitz
Ne rien oublier encor & encor
Du massacre des moines de Tibhirine
De la messe sanglante d’Oradour sur Glane
Des atomisations d’Hiroshima et de Nagasaki
De l’anéantissement de Hama par les baasistes
De l’exécution des Kurdes sur l’ordre de Saddam Hussein
Des persécutions iraniennes sur l’ordre de Khomeini
De la répression de Tian’anmen par l’armée chinoise
Des égorgements de Višegrad et des falaises de Korićani
Mais aussi ceux pêle-mêle du Congo du Darfour de Tikrit de Badoush de de de
Ils sont tombés .
Au printemps en été en automne en hiver
Cette mémoire notre souvenir
Brisez ce qui nous enchaîne
 Notre pacte
L’horreur l’horreur l’horreur
De ces contorsions


Christian ALLE
23 avril 2015
Sur la terre






lundi 4 mai 2015

L'Homme abandonné




1, 2, 3,
Tombent mes bras,
Sens-tu au fond de toi ces bijoux qui te creusent sans ne se méfier de rien…
Pose le pied sur les grands bateaux qui caressent les poissons,
Il faut fuir,
Il est temps de fuir,
Tu es un homme abandonné.
Tu respires le corail comme le parfum d’une femme morte,
D’une femme aimée et la couleur de tes yeux ne sera plus jamais la même.
Sais tu qu’il y a des contrées,
Ce sont les hommes qui donnent le sein à l’enfant,
Qu’il y a des contrées,
Où c’est l’enfant qui dompte la mer.
C’est l’histoire d’un homme,
D’une mer,
D’un enfant.
Tu dois partir.
Car tu es l’homme abandonné.
Aller fermer les yeux sous le sable,
Marcher,
Marcher jusqu’en haut de la falaise,
Et dans un rire infini,
Jeter ton pauvre corps abandonné.
Homme abandonné aux nerfs tressés.
Il est l’heure,
De la grande mue humaine.
Ote-toi.
Lorsque tu vomis par le nez,
Et que tu saignes des oreilles,
N’oublie pas,
Que c’est la destinée,
De l’homme abandonné,
Qui se couche sur un lit d’épines.
On dit « Dieu n’aime pas les péchés mais il aime les pêcheurs »,
Toi, tu vas apprendre le parfum des fleurs et l’endroit exact de ton appendice.
Le zèbre sait prononcer ta tristesse,
Il te reste encore quelques rêves aux lèvres éteintes,
Quel est ce décor statique ?
Il est temps de partir.
De fuir,
On dit que lors de l’adultère,
Tu n’as pas eu des yeux dans le dos,
On a oublié qu’ils étaient aussi absents sur ton visage,
Homme abandonné.
Il est temps de poser les mains dans les étoffes mystérieuses,
Il est temps de plonger tes mains dans le sexe sauvage de la vie.
Les grands bateaux t’attendent,
Et les voiles blanches plongent leurs mains dans ta gorge,
Sortant des cris oubliés,
Des cris refoulés,
Des cris d’infortune,
Qui claquent et ricochent comme une pierre plate sur l’eau.
Où étais tu ?
Corps effacé des photographies,
Où étais tu quand la mer a perdu les eaux ?
Où étais tu,
Quand les verbes essentiels pleuvaient sur ta vie ?
Où était tu,
Petit homme abandonné ?
Il est l’heure.
Où étais tu ?
Les éclipses n’en ont pas fini d’éplucher les yeux des voyants,
Vois-tu tout cet inutile qui leur coule le long du cou ?
Le vois-tu,
L’inutile ?
L’as-tu léché ?
Fuis et cours à travers les organes qui jonchent les routes,
Leur substance est si tendre,
Tu es dans la jungle civile : la terre des hommes.
Là bas,
Là où ils t’attendent,
Ils font craquer entre leurs canines les pépins de la guerre,
Et si l’on écoute bien,
On entend le chant des sirènes sortir de la bouche des hommes.
Et sur ce chant magnétique,
Glissent des oiseaux que l’on n’a encore jamais vus ici.
Le bateau t’attend,
Les Oubliés sont prêts a embarquer.
Prêts à voir les baleines triangulaires qui s’échouent sur les plages douces.
Ici la lumière est agressive et heurte ton corps d’homme oublié,
Là bas elle se baigne dans le creux de ton bassin comme une eau jeune.
L’oubli est éternel,
Mais tous les bateaux se fracassent un jour contre une vague,
Contre la langue de la nature.
Prend pour bagage la main de ta femme pour te caresser,
Mais n’en prend qu’une,
Les deux t’étrangleraient la nuit.
On entend de là les cheveux qui hurlent après le vent au manteau fin de papillon.
Le pas n’est pas grand,
Du bitume aux planches de bois,
De la terre à la mer,
De l’oubli à la mort.
Il faudra peu de temps,
Et il est déjà l’heure.
La mer réclame toujours la peau des Oubliés pour la farder de son sel.
Oublie les petits corps de tes enfants,
Leurs petits gestes ronds et leur voix chaude,
Oublie car il n’est presque plus l’heure.
Et il n’y aura bientôt plus assez de temps.
C’est l’histoire d’un homme,
D’une mer,
Il n’y a plus d’enfant.
C’est l’histoire de l’Oubli et du départ.




Pauline