Jelkica
Jelkica, assise sur la rude
banquette de la salle d’attente paraît songeuse.
En ce dimanche après-midi
pluvieux, tout semble figé dans ce Valognes froid et carré comme une pierre
taillée.
Dans leur aquarium les employés s’ennuient
en attendant le voyageur. Ils sont deux, un homme et une femme, la trentaine
tous deux, visages de cire, impassibles et clownesques cependant.
Jelkica ne pense à rien, son
esprit vacant erre dans la froidure de son cerveau, ruiné de pensées.
La porte donnant sur la voie
s’ouvre et s’efface sur la silhouette d’un personnage étrange qui pénètre dans
la salle d’attente. Sorte de vagabond barbu mais propre, coiffé d’une casquette
plate et le cou emmitouflé dans un cache col tirebouchonné.
L’homme semble chercher quelque
chose, son regard lit le sol attentivement. Ses yeux un feu fous furètent dans
les coins, vers le photomaton, vers la poubelle, puis s’arrêtent aux pieds de
Jelkica.
La jeune femme baisse les yeux
vers le lieu qui semble attirer l’homme. Un billet de bus usagé, Sali, petit
rectangle de carton grisâtre est là à quelques centimètres du pied droit de
Jelkica. La fille se recroqueville et resserre les genoux tandis que l’homme
s’approche d’elle. Une sorte de sourire d’homme grisé et pris en faute illumine
le vieux plein de poils. Tandis que l’inconnu se baisse vers le pied de
Jelkica, la jeune fille pousse un petit cri, presque inaudible. Jelkica sent,
l’odeur de l’homme, relents d’après rasage bon marché et de vêtements de
trimardeur.
L’homme saisit le ticket de bus,
aplati tout près du pied de la fille qui voit le ticket passer sous son nez. La
main de l’homme est belle, longue et fine et une chevalière d’or orne l’un de
ses doigts.
« - Je les
collectionne ! » dit l’homme en faisant disparaître sa
récolte dans une des poches de son anorak gris. Et il sort de la gare par la
porte côté ville.
Jelkica n’a pas bien compris,
mais elle est soulagée du départ de l’inconnu. Son regard se porte vers les
préposés figés derrière leurs vitres, toujours aussi impassibles et cireux.
Dehors Valognes est toujours
aussi humide et froid et du côté du Bar de la Gare une moto pétarade.
12/03/2015
16h30
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