lundi 11 mai 2020

Jelkica



Jelkica

Jelkica, assise sur la rude banquette de la salle d’attente paraît songeuse.
En ce dimanche après-midi pluvieux, tout semble figé dans ce Valognes froid et carré comme une pierre taillée.
Dans leur aquarium les employés s’ennuient en attendant le voyageur. Ils sont deux, un homme et une femme, la trentaine tous deux, visages de cire, impassibles et clownesques cependant.
Jelkica ne pense à rien, son esprit vacant erre dans la froidure de son cerveau, ruiné de pensées.
La porte donnant sur la voie s’ouvre et s’efface sur la silhouette d’un personnage étrange qui pénètre dans la salle d’attente. Sorte de vagabond barbu mais propre, coiffé d’une casquette plate et le cou emmitouflé dans un cache col tirebouchonné.
L’homme semble chercher quelque chose, son regard lit le sol attentivement. Ses yeux un feu fous furètent dans les coins, vers le photomaton, vers la poubelle, puis s’arrêtent aux pieds de Jelkica.
La jeune femme baisse les yeux vers le lieu qui semble attirer l’homme. Un billet de bus usagé, Sali, petit rectangle de carton grisâtre est là à quelques centimètres du pied droit de Jelkica. La fille se recroqueville et resserre les genoux tandis que l’homme s’approche d’elle. Une sorte de sourire d’homme grisé et pris en faute illumine le vieux plein de poils. Tandis que l’inconnu se baisse vers le pied de Jelkica, la jeune fille pousse un petit cri, presque inaudible. Jelkica sent, l’odeur de l’homme, relents d’après rasage bon marché et de vêtements de trimardeur.
L’homme saisit le ticket de bus, aplati tout près du pied de la fille qui voit le ticket passer sous son nez. La main de l’homme est belle, longue et fine et une chevalière d’or orne l’un de ses doigts.
« - Je les collectionne ! » dit l’homme en faisant disparaître sa récolte dans une des poches de son anorak gris. Et il sort de la gare par la porte côté ville.
Jelkica n’a pas bien compris, mais elle est soulagée du départ de l’inconnu. Son regard se porte vers les préposés figés derrière leurs vitres, toujours aussi impassibles et cireux.
Dehors Valognes est toujours aussi humide et froid et du côté du Bar de la Gare une moto pétarade.
12/03/2015
16h30

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